Nous entendons souvent parler de "marche solitaire", de grandes épopées dans de grands espaces pendant de longues semaines.
Plus modestement, dans le cadre de ma formation d'enseignant de Yoga, j'expérimente tout ce qui pourrait "faire lien" entre la marche et le yoga qui sont deux magnifiques disciplines, deux de mes passions.
Je bouquine plusieurs auteurs sur le sujet, "Marcher, Méditer" de Michel Jourdan et Jacques Vigne, "Régénération par la marche afghane" de Edouard G. Stiegler, ..., et je réalise quelques séances "en solitaire", notamment dernièrement pour tenter de comprendre les principes de la marche Afghane en vue de l'intégrer dans ma démarche "Yoga & Marche" (mon poste suivant aura pour objet de "résumer" la technique et les bienfaits de la marche Afghane).
Tester une nouvelle technique est déjà un moment très enrichissant, la marche Afghane est d'abord très exigeante, son fonctionnement vous oblige à vous concentrer sur le rythme de vos pas, pour trouver l'allure qui correspondra le mieux à votre respiration, pour enfin atteindre le parfait équilibre entre la durée de l'inspire, pause, la durée de l'expire, pause, associés à la vitesse de votre marche.
Parvenir au rythme idéal peut prendre du temps, il faut que la marche et la respiration restent confortables et que votre esprit puisse enfin se libérer de la recherche de la bonne cadence. Une fois le rythme trouvé et installé, vous pourrez enfin observer l’environnement qui vous entoure et profiter pleinement de l'exercice.
Ce temps de recherche vous oblige à un vrai temps de solitude, d'introspection, où il faut accepter ses propres limites, savoir écouter son corps, accepter de ralentir pour ne pas être essoufflé, ou au contraire accélérer le pas pour trouver le bon équilibre entre vitesse de la marche et respiration.
Pratiquer cette technique en groupe, avec des personnes qui découvrent la discipline, nécessitera une préparation, notamment par un temps de marche libre en début de séance (au moins 15 à 20 minutes) pour que chacun trouve son propre rythme et réalise ce travail d'écoute sur soi. L'accompagnant devra bien observer les différentes cadences pour ensuite trouver une allure collective qui pourra satisfaire à tous. Cette donnée majeure me fait penser qu'il faut limiter le groupe à une dizaine de personnes.
La suite de l'expérience est formidable, ... d’abord votre allure soutenue par la respiration est dynamique et tonique, pour la maintenir il est nécessaire de se tenir droit, de ne pas s'avachir ou courber l'échine, tel le guerrier Hanuman qui se rend dans l'Himalaya, vous marchez fièrement pour soutenir l’exercice, vos pas sont grands et larges, vous avancez avec une ardeur rare.
Vous observez ensuite que l'énergie produite par l'hyperventilation contrôlée revigore en apportant beaucoup de vitalité. Le mécanisme de cet exercice apporte une oxygénation complète du sang et des cellules.
Vous pouvez soutenir cette marche active très longtemps en réalisant régulièrement des pauses de la cadence respiratoire. Lors de ces pauses, vous reprenez une respiration naturelle avant de repartir sur un cycle de respiration revigorante.
Comme pour les exercices de Pranayama dans le yoga, on observe un très grand confort lors du retour à une respiration plus calme, une respiration d'une extrême douceur, avec parfois même le sentiment de ne pas avoir besoin de respirer.
Dans cet état, avec la maîtrise de l'exercice, vous pouvez observer en pleine conscience la nature qui vous entoure. La Marche est l'activité qui offre le plus grand espace de liberté pour voir réellement ce qui se présente à soi, ce qui vous entoure, de l'horizon le plus lointain au plus petit détail prêt de vous, une observation lente et minutieuse, qui vous touche jusque dans la zone du cœur.
Lors de mes "expérimentations solitaires", les temps d'observations de la nature qui m'entourait ont été très intenses, extasiants, ressourçants,... seul dans cet environnement si beau j'ai été d'un seul coup pris d'un mal que je nomme "le syndrome McCandless"(1) qui dit que " Le bonheur ne vaut d'être vécu que s'il est partagé".
Mon appareil photo presque en panne, sans smartphone, je me trouvais donc dans l’impossibilité de "partager", je me laissait alors porter par la solitude, dans ce moment exceptionnel, ce coucher de soleil, entouré d'animaux, d'oiseaux migrateurs, d'une brume montante de la mer, un état de grâce qui en appel d’autres, mais cette fois-ci à plusieurs, partagé !
(1) ce que j'appelle "le syndrome McCandless" : cette expression fait référence au livre "Voyage au bout de la solitude" écrit par Jon Krakauer en 1996, adapté au cinéma sous le nom de "Into The Wild" réalisé par Sean Penn en 2007, relatant l'histoire réelle de Christopher McCandless.
Ce jeune étudiant américain rejetant les principes de la société moderne, après un dîner dans un luxueux restaurant avec ses parents, pour fêter son diplôme, décide de partir sur les routes, sans prévenir sa famille. Il renonce ainsi au rêve américain pour une vie aventurière... Son expérience de la grande solitude lui fera écrire "" Le bonheur ne vaut d'être vécu que s'il est partagé".


